Article de L’OURS n°419 juin 2012
Jean Battut
« Changer l’école pour
changer la vie 1971-1981
Mitterrand , la gauche et
l’éducation
L’Harmattan 2012 230 p 24 euros
Il existe de nombreux témoignages
sur l’activité politique et syndicale : la plupart du temps , ce sont des
plaidoyers pro domo où l’auteur rejoue
un combat. Il ne s’agit pas de cela ici, mais d’une œuvre plus complexe :
l’auteur s’est frotté aux méthodes de l’histoire du temps présent puisqu’il a
soutenu en 2010 une thèse de doctorat en histoire sous la direction de Jacques
Girault ( Université Paris 13) . Après François Mitterrand le
Nivernais (L’Harmattan 2011) , ce livre est
également issu de cette thèse.
Jean Battut , né en 1933, a
donc été un militant syndical et politique dont les responsabilités locales et
nationales ont été variées, et un enseignant – instituteur/ il procède ainsi à
une sorte de mise en abîme de son propre itinéraire et essaie de comprendre le
sens de son action. Au fil de ses responsabilités, il s’est aussi fait
l’archiviste de ses activités militantes. Il a récemment déposé ces documents
aux Archives départementales de la Nièvre
où ils sont consultables sous la cote 74 J . souhaitons au passage que
de nombreux militants suivront son exemple !
ENTRE SNI et PS
Elu en 1960 membre du conseil syndical de la section de la
Nièvre du SNI dont il devient le secrétaire entre 1963 et 1969 à la mise en
place du nouveau Parti socialiste
dont il est élu secrétaire général dans ce département : après
Epinay , il est secrétaire général adjoint et chargé de suivre au niveau national les relations avec le
SNI. En 1972, il rejoint le CERES et devient responsable de l’association
« Ecole et Socialisme ». Il rejoint ensuite la majorité du PS et organise de nombreuses rencontres avec le SNI et la FEN afin
de conforter le courant socialiste contre le courant communiste , ce qui
aboutit, sous la houlette de Louis Mexandeau, à la rédaction du projet du PS
sur l’éducation. En 1979, il est élu au bureau national du SNI_PEGC et devient
secrétaire national du secteur laïque ( il démissionnera en 1981). Il reprend
alors le poste d’enseignant à Paris tout en poursuivant son activité politique
comme membre de la délégation nationale du PS à l’éducation , notamment chargé
des textes sur l’enseignement privé – les propositions ne seront pas reprises
par le ministre.
CHANGER L’ECOLE
Jean Battut
s’inscrit donc très clairement dans ce courant des socialistes fidèles à
l’école publique , dans un cadre rénové qui dépasserait l’opposition public/privé
en intégrant les établissements privés dans un enseignement public transformé
en profondeur.
Les dix
chapitres du livre suivent un ordre chronologique des documents souvent peu
connus ou oubliés( notamment le texte fameux de la motion du SNI de 1981 où la
suppression de la loi Guermeur n’est plus mise au premier plan suite à une
modification du texte sans l’accord du rédacteur Jean Battut qui voulait revenir à la logique de la loi Debré
en préparant les conditions d’une intégration progressive dans le service
public et en refusant de prendre des positions maximalistes qui n’avaient
aucune chance d’aboutir sinon bloquer tout processus… et l’on sait ce qui
arriva). Le fil conducteur du livre est bien cette lutte acharnée qui tra verse
différents courants de la FEN et
dont nous avons , sans fard , du point de vue d’un de ses militants, le récit.
On comprend mieux ainsi les débats , les atermoiements , l’impossibilité de
travailler ensemble des membres de
la fédération qui dépendaient en grande partie de leur énergie à contrôler , s’empêcher d’agir . Ils
étaient incontestablement victimes des conceptions profondément divergentes sur
le rôle de l’école , sa définition : la FEN , un colosse aux pieds
d’argile ? Assurément.
UNE REVUE LABORATOIRE
Une grande partie de l’ouvrage
est consacrée à la revue Ecole et Socialisme – qui entendait clairement faire pièce à la revue intellectuelle
publiée par le PCF l’Ecole et la Nation- mais, aussi au bulletin qui l’a précédé et à l’association qui fédérait
les groupes, présents sur tout le territoire.
Jean-Pierre Chevénement ( membre du SNESUP) mais de la majorité
fédérale en a lancé l’idée, lui
qui est très opposé à l’influence du PCF dans les syndicats enseignants et au
sein du PS . Le manifeste « Ecole et Socialisme », présenté à la
presse en 1973 veut que le système éducatif libère l’individu en s’appuyant sur
les principes de l’école
fondamentale de la maternelle à
15-16 ans chers au SNI. Il s’agit d’élaborer un projet éducatif nouveau qui
s’inscrive dans le cadre des
orientations socialistes. Un véritable travail de réflexion est lancé dans
toute la France autour des groupes
départementaux : il faut changer l’école pour changer la société , le seul
changement politique et social
ne permettant pas de changer
l’école. Des colloques nationaux sont organisés avec pour objectif de rallier le premier secrétaire du
parti aux thèses de l’école fondamentale. Ce qui ne sera pas tout à fait le cas
puisque François Mitterrand adopte une position intermédiaire entre celle du
SNI ( une école de la maternelle à la 3e) et celle du SNES ( un second degré de
la 6e à la terminale) . A partir de 1975 la revue Ecole et Socialisme, trimestrielle, dont Jacques Guyard
est le rédacteur en chef, et Louis
Legrand, l’un des rédacteurs sous le pseudonyme de Lucien Didier, l’un des
rédacteurs appuie le travail du groupe dans lequel la réforme pédagogique est à
l’ordre du jour. Elle comporte trois rubriques habituelles- histoire de
l’éducation, l’enfant et l’imprimé, lu pour vous- et adopte une posture
d’analyse et de réflexions de fond sur l’école. Elle poursuivra son chemin
jusqu’en 1994. Ce n’est pas à proprement parler une revue militante mais un lieu d’échanges et de
construction d’une pensée socialiste sur l’école que le PS prendra ou non à son
compte . C’était sa force, mais aussi sa faiblesse.
BRUNO POUCET
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