samedi 16 juin 2012

Une critique sur mon livre " Changer l'école pour changer la vie"


Article de L’OURS n°419 juin 2012

Jean Battut
« Changer l’école pour changer la vie 1971-1981
Mitterrand , la gauche et l’éducation
 L’Harmattan  2012 230 p 24 euros

Il existe de nombreux témoignages sur l’activité politique et syndicale : la plupart du temps , ce sont des plaidoyers pro domo où l’auteur rejoue un combat. Il ne s’agit pas de cela ici, mais d’une œuvre plus complexe : l’auteur s’est frotté aux méthodes de l’histoire du temps présent puisqu’il a soutenu en 2010 une thèse de doctorat en histoire sous la direction de Jacques Girault ( Université Paris 13) . Après François Mitterrand le Nivernais (L’Harmattan 2011) , ce livre est également issu de cette thèse.
 Jean Battut , né en 1933, a donc été un militant syndical et politique dont les responsabilités locales et nationales ont été variées, et un enseignant – instituteur/ il procède ainsi à une sorte de mise en abîme de son propre itinéraire et essaie de comprendre le sens de son action. Au fil de ses responsabilités, il s’est aussi fait l’archiviste de ses activités militantes. Il a récemment déposé ces documents aux Archives départementales de la Nièvre  où ils sont consultables sous la cote 74 J . souhaitons au passage que de nombreux militants suivront son exemple !

  ENTRE SNI et PS
Elu en 1960 membre du conseil syndical de la section de la Nièvre du SNI dont il devient le secrétaire entre 1963 et 1969 à la mise en place du nouveau Parti socialiste  dont il est élu secrétaire général dans ce département : après Epinay , il est secrétaire général adjoint  et chargé de suivre au niveau national les relations avec le SNI. En 1972, il rejoint le CERES et devient responsable de l’association «  Ecole et Socialisme ». Il rejoint ensuite la majorité du PS  et organise de nombreuses  rencontres avec le SNI et la FEN afin de conforter le courant socialiste contre le courant communiste , ce qui aboutit, sous la houlette de Louis Mexandeau, à la rédaction du projet du PS sur l’éducation. En 1979, il est élu au bureau national du SNI_PEGC et devient secrétaire national du secteur laïque ( il démissionnera en 1981). Il reprend alors le poste d’enseignant à Paris tout en poursuivant son activité politique comme membre de la délégation nationale du PS à l’éducation , notamment chargé des textes sur l’enseignement privé – les propositions ne seront pas reprises par le ministre.

CHANGER L’ECOLE
 Jean Battut s’inscrit donc très clairement dans ce courant des socialistes fidèles à l’école publique , dans un cadre rénové qui dépasserait l’opposition public/privé en intégrant les établissements privés dans un enseignement public transformé en profondeur.
 Les dix chapitres du livre suivent un ordre chronologique des documents souvent peu connus ou oubliés( notamment le texte fameux de la motion du SNI de 1981 où la suppression de la loi Guermeur n’est plus mise au premier plan suite à une modification du texte sans l’accord du rédacteur  Jean Battut qui voulait revenir à la logique de la loi Debré en préparant les conditions d’une intégration progressive dans le service public et en refusant de prendre des positions maximalistes qui n’avaient aucune chance d’aboutir sinon bloquer tout processus… et l’on sait ce qui arriva). Le fil conducteur du livre est bien cette lutte acharnée  qui tra            verse différents courants de la FEN  et dont nous avons , sans fard , du point de vue d’un de ses militants, le récit. On comprend mieux ainsi les débats , les atermoiements , l’impossibilité de travailler ensemble  des membres de la fédération qui dépendaient en grande partie  de leur énergie à contrôler , s’empêcher d’agir . Ils étaient incontestablement victimes des conceptions profondément divergentes sur le rôle de l’école , sa définition : la FEN , un colosse aux pieds d’argile ? Assurément.

UNE REVUE LABORATOIRE

Une grande partie de l’ouvrage est consacrée à la revue Ecole et Socialisme – qui entendait clairement faire pièce à la revue intellectuelle publiée par le PCF l’Ecole et la Nation- mais, aussi au bulletin qui l’a précédé et à l’association qui fédérait les groupes, présents sur tout le territoire.
Jean-Pierre Chevénement  ( membre du SNESUP) mais de la majorité fédérale  en a lancé l’idée, lui qui est très opposé à l’influence du PCF dans les syndicats enseignants et au sein du PS . Le manifeste « Ecole et Socialisme », présenté à la presse en 1973 veut que le système éducatif libère l’individu en s’appuyant sur les principes  de l’école fondamentale  de la maternelle à 15-16 ans chers au SNI. Il s’agit d’élaborer un projet éducatif nouveau qui s’inscrive dans le cadre  des orientations socialistes. Un véritable travail de réflexion est lancé dans toute la France  autour des groupes départementaux : il faut changer l’école pour changer la société , le seul changement politique  et social ne  permettant pas de changer l’école. Des colloques nationaux sont organisés avec pour objectif  de rallier le premier secrétaire du parti aux thèses de l’école fondamentale. Ce qui ne sera pas tout à fait le cas puisque François Mitterrand adopte une position intermédiaire entre celle du SNI ( une école de la maternelle à la 3e) et celle du SNES ( un second degré de la 6e à la terminale) . A partir de 1975 la revue Ecole et Socialisme, trimestrielle, dont Jacques Guyard est le rédacteur  en chef, et Louis Legrand, l’un des rédacteurs sous le pseudonyme de Lucien Didier, l’un des rédacteurs appuie le travail du groupe dans lequel la réforme pédagogique est à l’ordre du jour. Elle comporte trois rubriques habituelles- histoire de l’éducation, l’enfant et l’imprimé, lu pour vous- et adopte une posture d’analyse et de réflexions de fond sur l’école. Elle poursuivra son chemin jusqu’en 1994. Ce n’est pas à proprement parler une revue  militante mais un lieu d’échanges et de construction d’une pensée socialiste sur l’école que le PS prendra ou non à son compte . C’était sa force, mais aussi sa faiblesse.
  BRUNO POUCET 

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