mardi 25 septembre 2012


Mes chers amis nous voilà réunis autour d’un ouvrage où certains découvriront peut-
être des aspects méconnus de ma vie de vieux militant syndicaliste et politique .

 Je croise certains d’être vous  dans d’autres cercles, sur d’autres thèmes mais il n’est
certainement pas inintéressant  pour vous de découvrir ce qui a forgé l’homme que je suis
aujourd’hui.
 Comme vous le savez des rencontres ont fait de moi un historien (Merci
 Jacques !)…Mais j’espère que les vieilleries dont je vous parlerai  dans ce livre feront lien avec les difficiles réalités actuelles 

 Puisqu’il le  faut plongeons dans cet ouvrage  qui se présente comme la suite de celui que j’ai publié en avril dernier «  François Mitterrand , le Nivernais (1946-1971) La conquête d’un fief »  qui  mettait  en évidence mon implication personnelle avec celui qui devient en juillet 1971 le vainqueur du congrès du Parti socialiste à Epinay .

Notre collaboration  établie dans la Nièvre se poursuit de 1971 jusqu’en 1981. Elle me place en poste de médiateur entre le monde syndical de l’enseignement auquel j’appartiens et le nouveau secrétaire  du PS avec l’ambition d’établir avec lui des relations étroites. 

Un objectif :
Construire un projet éducatif

Cette construction se replace  au sein d’un monde enseignant  très divisé au plan politique et au plan corporatif.

 L’expression de ce monde se fait par la voix de syndicats d’enseignants très représentatifs groupés au sein d’une fédération la Fédération de l’Education Nationale (FEN) .
Parmi ceux-ci deux syndicats très importants : l’un qui syndique les professeurs du second degré (le SNES) de la clase de 6e à la terminale ; l’autre le SNI qui syndique en majorité les instituteurs mais qui empiète sur le second degré de la 6e à la 3e et se trouve de ce fait  en concurrence pour la syndicalisation sur le collège avec le SNES .
Une force syndicale et politique de 500 000 adhérents groupés dans la FEN dont 300 000 au SNI (un adhérent dans chaque village de France) très opposée à la droite.
 Ce qui n’est pas sans laisser indifférents les 2 partis de gauche qui, bien qu’unis par un programme commun en juin 1972, n’en sont pas moins en concurrence.   En 1971 le Parti communiste  domine  largement  sur le plan électoral  un Parti socialiste nouveau qui va  s’appliquer à réduire cette influence .

 La compétition  entre les deux partis va apparaître dans le combat pour l’école  autour question de ce doit être le collège :

 - Vision du Second degré : (SNES) le bac se prépare dès la 6e donc nécessité de la mise en place d’une structure continue de la 6e à la classe  terminale
 - Vision du  Premier degré : (SNI )  nécessité de la mise en place d’une structure continue l’école fondamentale ( de la maternelle à la classe de 3e sans rupture au niveau de la 6e ) en fidélité au plan Langevin- Wallon de 1947 issu du comité national de la Résistance et qu’on retrouve aujourd’hui dans la mise en place du  socle de connaissances et de compétences sur 7 paliers indissociables .

 Le Parti communiste soutient le SNES et son projet de second degré. 


 Le Parti socialiste soutient  le projet du  SNI  même si certains membres du PS ont des sympathies pour le projet du SNES.
                                                               

Le  Parti communiste  a depuis 1973 un solide  projet éducatif.
Seul en face de ce  projet le projet d’école fondamentale du SNI .
Le Parti socialiste a bien amorcé une réflexion dans une partie de son programme « Changer la vie » en mars 1972 mais il lui faut construire un projet éducatif  autonome aussi solide que celui du PC  avec lequel il fait déjà jeu égal en 1973 dans les urnes.

Le mouvement Ecole et socialisme dont je suis le secrétaire général se met en place en février 1973 . Il  a pour objectif de travailler concrètement  à l’élaboration d’un projet éducatif qui puisse rapprocher  le PS et le SNI  en vue d’éviter la suprématie dans ce secteur  du Parti communiste .
Je suis chargé, dans un premier temps,  d’organiser des rencontres communes entre François Mitterrand le SNI et la FEN pour qu’une empathie efficace s’établisse

 Ecole et Socialisme s’implante dans  55 départements ; ces groupes départementaux que j’anime mène une réflexion qui se déroule de manière très active de 1973 à 1975,  porté par la publication d’ un bulletin que remplace en décembre 1975 la revue trimestrielle  Ecole et Socialisme. Celle-ci reçoit la collaboration de pédagogues de renom comme Louis Legrand . Une revue qui deviendra la revue du PS traitant des problèmes éducatifs qui paraîtra 20 ans durant (dernier numéro en novembre  1994)
 Ces années de création et de recherche furent des années de vrai bonheur ;  nous mettions en marche une dynamique dont nous sentions qu’elle allait changer la France et peut-être -croyions-nous - la face du monde.

L’entrée en jeu de François Mitterrand dans ce combat est marquée lors du colloque Ecole et Socialisme tenu à Cachan les 22 et 23 février 1974 Il pose une équation :  «  Pour changer la société faut-il changer l’école ? Ou devons-nous attendre que la société soit changée pour changer l’école ? Par quel bout commencer ? »
Au  cours d’une journée nationale des enseignants socialistes à Clichy le 11 mai 1975 le premier secrétaire du parti invite les participants à répondre de manière coordonnée à l’interrogation ci-dessus lancée ; mais il faut pour cela regrouper ses forces et il  demande aux membres de son parti d’apporter son appui à la FEN qui groupe tous les syndicats d’enseignants dressant un rempart pour éviter qu’elle  tombe entre les mains du Parti communiste.
«  La FEN  est soumise – dit-il-  aux ambitions politiques à travers le tamis des responsabilités syndicales ; elle ne doit pas tomber entre les mains politiques (sous entendu celles du PC ) »  et il invite les enseignants à  réfléchir à l’établissement d’un projet global d’éducation afin que ceux- ci retrouvent une cohérence dans leur engagement .

Me voilà, tout en poursuivant mes activités pour animer dans l’enthousiasme  le mouvement Ecole et Socialisme,  commis à la demande de François Mitterrand à la rédaction d’une note hebdomadaire en sa direction visée chaque fois avant l’envoi  par les secrétaires généraux de la FEN et du SNI,  rendant compte de la situation quotidienne de ces deux organisations et ceci jusqu’en mars 1979 .
120 notes  que j’ai conservées, recouvrant 300 pages, que je vais publier chez l’Harmattan appuyé par l’Institut François Mitterrand.
Je souhaite que nous ayons, à une date encore imprécise, le même plaisir qu’aujourd’hui de nous retrouver dans les mêmes lieux pour la présentation de ce 3e ouvrage. 


Le projet socialiste  d’éducation est  publié juste avant les élections législatives de 1978. La gauche est susceptible de gagner ces élections. Une majorité à l’Assemblée nationale  pourra alors mettre en application les dispositions de ce projet.
Celui-ci comporte un chapitre concernant la nationalisation de l’enseignement privé.
La droite et l’enseignement catholique  déclenchent une offensive qui durera 7 ans et qui verra sa conclusion en juillet 1984.

Je relate le  déroulement de ce débat laïque à l’aune du grand service public de l’éducation  où je suis directement investi  puisqu’en mars 1979 comme  secrétaire national du SNI chargé de ce dossier .
 Je reste responsable de ce secteur jusqu’en juillet 1981 où je démissionne de mes responsabilités.
Je fais dans cet ouvrage une longue analyse qui explique la raison de ce choix.

Je viens de vous donner les éléments pour lire ce livre à partir de l’implication de François Mitterrand mais une autre lecture est possible plus intéressante peut-être . On suit l’élaboration d’un projet dont on voit, 40 ans après, l’actualité de l’école fondamentale qui trouve aujourd’hui sa concrétisation  en France, mais aussi en Europe,  avec l’instauration d’un socle commun de compétences et de connaissances que l’école se donne comme ambition de faire acquérir aux jeunes à 100% à la sortie de leur scolarité obligatoire . Ainsi dans une loi la France s’engage  à ce que sans rupture au fil de la maternelle , de l’élémentaire et du collège, se construise ce que nul n’est sensé ignorer pour réussir sa vie.

Je pense pour terminer à l’enfance dont Saint-Exupéry disait « ce grand territoire d’où chacun est parti… «  D’où suis-je ?- écrivait-il-  Je suis de mon enfance comme d’un pays ».
 Il en est ainsi pour moi et mon pays c’est l’Auvergne .  Fils de mineur ,  je suis lié à mon pays minier qui m’a amené à bénéficier de l’aide des instituteurs avec leur mission d’aider à l’ouverture sur le monde  pour les enfants les plus humbles afin de faire surgir chez eux les possibilités de s’émanciper malgré cela ou à cause de cela . La proximité ouvrière leur imposait de faire accéder au savoir ceux dont ils avaient la charge pour transformer le monde . Il en est résulté pour moi l’ardente obligation de donner aux autres les mêmes chances que celles qui m’ont été offertes pour s’en sortir avec à la clé la nécessité de rester fidèle à ses origines .
J’ai toujours gardé la conscience de la richesse de ce monde où la fraternité éprouvée au fond de la mine face au danger irriguait notre existence comme un fleuve vital. Mais j’ai aussi gardé la conscience de classe, impitoyable rigueur dans le combat à mener contre ceux qui accumulent leurs richesses sur l’exploitation du peuple au travail et à la peine.